Recherche-Projet Doctoral CNES


Après plus de deux ans de travail de fond, mon projet de thèse est finalement 100% financé par le CNES (Centre National des Etudes Spatiales Française) et sur le terrain en temps complet à Toulouse et début à la fin du mois de septembre 2024 et devrait se terminer en 2027. Ce projet doctoral est la première bourse doctorale de design rattaché au département scientifique des Sciences Humaines et Sociales du CNES 100% financée.

Codesigner les fictions intersubjectives du CNES sur les avenirs possibles du Dessein Intelligent

Mots clefs ;

Imaginaires / Futur spatial / Discours / Ethics by design / Codesign fiction

Contexte

Dans notre période prénommée Anthropocène (Crutzen, 2000), la question de la pérennisation de l’avenir (de l’humanité, du vivant évolué et de l’habitabilité de Terre) est devenue un sujet de préoccupation majeur (Stockholm Resilience Center, 2023). Cette période, qui fait encore l’objet de controverses, marque singulièrement le retour sur le devant de la scène de l’influence des récits sur les modes de vies et les avenirs possibles de l’humanité (Hopkins, 2020). Le devenir du vivant et de la planète Terre semble désormais inextricablement liés aux fictions humaines et à son imagination, entretenus et enrichis quotidiennement par les (sémio-, techno-, géobio-, noos-) sphères (Lotman 1999, Stiegler 2020, Vernadsky, 1945) qui influencent les comportements, les représentations, les valeurs, les normes et les manières d’exister sur Terre et en société (Guattari, 1989 ; Zinna & al., 2015). 

Pertinence 

Le domaine spatial est par essence un secteur porté par une miscellannée qui a une influence directe sur la société et ses avenirs possibles par le biais de feuilles de route et de projets étalés sur le long terme. Alors que les scénarios scientifiques (du GIEC et des différentes mises à jours des Rapports Meadows) montrent les dérèglements de l’écosystème Terre fonctionnant en boucle de rétroaction positive (Lovelock, 1979) causés par les activités humaines depuis l’essor de la révolution industrielle, ceux-ci risquent d’impacter de manière significative le secteur spatial (comme le souglignait Arthur Keller lors de son intervention au GREC en juin 2023) en pleine relance de l’exploration (habitée) extraterrestre (objectif Lune et objectif Mars). L’Anthropocène questionne le sens, autant d’un point de vue de la légitimité, de l’éthique, de l’ontologie, que du bien fondé de certains projets du secteur spatial comme l’exploration habitée porteuse de nombreuses controverses (telles que les projets de SpaceX et de Blue Origin). Il paraît ainsi important d’examiner les récits déployés, comme des signaux faibles, afin d’analyser leurs mécanismes, leurs répercussions et leurs influences sur les avenirs possibles du secteur spatial et de sa contribution à l’évolution de l’humanité (connaissances, techniques, environnements habités).

Hypothèse

Les préoccupations des enjeux éco-sociaux ont fait émerger au sein du CNES différentes formes de démarches collectives comme le Groupe de Réflexion sur l’Écologie au CNES (GREC), la Direction de Développement Durable (DDD), ou divers autres groupes de travail. Cette recherche-projet par le design inscrit dans le champs de l’épistémologie d’un design de l’Anthropocène aura pour vocation d’étudier les méta-valeurs et l’imaginaire sous-jacent des projets, soit les valeurs et les fictions intersubjectives entretenues par les membres du CNES et de l’imaginaire diffusé par les projets en cours. Il sera ainsi question de prospecter les fictions dominantes des différentes parties prenantes afin d’étudier les compatibilités avec les limites planétaires et sociales (Roworth, 2017). L’hypothèse de cette recherche est ainsi de démontrer l’influence qu’a l’imaginaire collectif dans la construction des avenirs possibles de l’évolution humaine par le biais de projets incarnés et portés par le CNES ainsi que de faire évoluer la pensée design écosociale qui émerge par parcimonie dans les réflexions du CNES, à travers une démarche participative. 

Méthode et terrain de recherche

Ce projet financé intégralement par le CNES visera à étudier les dynamiques subjectives et intersubjectives actuelles mises en œuvre dans des projets emblématiques (à définir en tant que terrain de recherche) et portées par les membres du CNES. Il permettra d’identifier le rôle des fictions, des récits et de l’imaginaire autant individuel que collectif dans l’évolution possible du secteur spatial français et de sa vision pour l’avenir de l’Humanité. Cette recherche-projet par le design combine une approche transdisciplinaire propre au SIC autant théorique et pratique tout en impliquant les parties prenantes dans le processus de conception de la partie projet. Menée par l’approche de la pensée design, de l’éthique par le design et du codesign fiction cette recherche vise à étudier les mécanismes de l’imaginaire individuel et collectif au sein du CNES, d’analyser les fictions et les discours dominants dans le secteur spatial français et leurs controverses par une approche transdisciplinaire ethnosociologique, axiologique, idéologique et sémiotique. Le CNES est constitué d’une pluralité de terrains (SPAC’IBLES, SPACESHIP, GREC, CREALAB, GT, CSG…) qui nous permettra d’étudier un échantillon diversifié d’imaginaires. La partie projet de cette recherche sera menée par des immersions et des observations participantes (implication dans des projets internes au CNES) et déploiera, par le biais d’outils de design tel que le codesign fiction, des ateliers et groupes de travaux composés de membres pluridisciplinaires du CNES afin d’élaborer de nouveaux récits écosociaux sur la vision du secteur spatial français. 

Objectif

Cette recherche-projet a pour objectif d’élaborer à travers un processus participatif des scénarios et de nouveaux narratifs écosociaux en adéquation avec les recommandations du GIEC et la pérennisation du secteur spatial. 

Bibliographie des auteurs et travaux cités (non exhaustive)

Crutzen Paul, (2002), Geology of Mankind, The Anthropocene, Nature, n. 415.

Guattari Félix, (1989). Les Trois Écologies, Editions Galilée.

Hopkin Rob, (2019), From What Is toWhat If: Unleashing the Power of Imagination to Create the Future We Want, Chelsea Green Publishing.

Lotman Youri, (1999), La Sémiosphère, trad. Anka Ledenko, Limoges, Pulim.

Lovelock James, (1979). La terre est un être vivant, l’hypothèse Gaïa.

Meadows Denis, Meadows Donella, Randers Jorgen, (1972), The Limits to Growth: A Report for the Club of Rome’s Project on the Predicament of Mankind. Universe Books ; (2004), Limits to Growth: The 30-Year Update. Chelsea Green Publishing.

Raworth Kate, (2017), Doughnut Economics : Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist, Chelsea Green Publishing.

Stiegler Bernard (dir.), (2020), Collectif Internation, Bifurquer. Il n’y a pas d’alternative, Les liens qui libèrent.

Stockholm Resilience Center, (2023, Mise à jour), Planetary boundaries, Site internet, [En ligne]

Vernadsky Vladimir, (1945), The Biosphere, Copernicus Publications.Zinna Alessandro, Darrault-Harris Ivan (dir.), Formes de vie et modes d’existence ‘durables’, Collection Actes – Albi 2015, Éditions CAMS/O, (2015)